Le Centre National de la Recherche Scientifique reste en pointe dans le Quantique

 

Tous les articles présentés sur cette page viennent du Journal du CNRS.

 

Donner du sens à la mécanique quantique

Avant d’entamer la lecture des articles de ce chapitre je vous invite à lire cette très bonne introduction.

« Bien que ses étranges prédictions aient toujours été vérifiées, la mécanique quantique, ou plutôt son interprétation, continue de troubler physiciens et philosophes. Les chercheurs Alexia Auffèves et Philippe Grangier proposent de nouvelles réponses sur la nature de la réalité physique dans le cadre de la théorie quantique. »

L’article en question : Donner du sens à la mécanique quantique  Publié sur le journal du CNRS le 10 février 2016

La physique quantique appliquée aux ordinateurs peut prétendre à un nouvelle révolution sociétale

Alors que le président de la République vient d’annoncer le lancement du plan Quantique, découvrez dans ce dossier comment les scientifiques tentent de dompter les fabuleuses propriétés du monde quantique pour mettre au point des technologies révolutionnaires. Parmi celles-ci, l’ordinateur quantique mais aussi des capteurs aux performances sans égales…

Ordinateur : les promesses de l’aube quantique

Longtemps resté une simple idée de physicien, l’ordinateur quantique, qui promet de révolutionner le calcul, devient une réalité de plus en plus tangible. Dans quelques années, les premières machines capables de surpasser les ordinateurs classiques devraient faire leur apparition. Cet article fait partie du TOP5 des plus lus sur notre site en 2019.

Les supercalculateurs les plus puissants de la planète pourraient bientôt être renvoyés à la préhistoire de l’informatique. D’ici à quelques années, pour les plus optimistes, des machines d’un nouveau genre, offrant des capacités de calcul phénoménales, feront leur apparition : les ordinateurs quantiques. Imaginé au début des années 1980 par le Prix Nobel de physique Richard Feynman, le concept d’un tel ordinateur devient aujourd’hui de plus en plus une réalité. « Nous vivons actuellement une époque charnière où les industriels, comme Google ou IBM, s’emparent du sujet qui était resté jusqu’ici l’apanage des laboratoires de recherche et cela promet de nous faire passer des caps technologiques majeurs », se réjouit Tristan Meunier, de l’Institut Néel1. Même son de cloche pour Eleni Diamanti, du Laboratoire d’informatique de Paris 6. « Dans les prochaines années, on disposera d’ordinateurs quantiques suffisamment performants pour battre nos ordinateurs traditionnels sur certains problèmes. »

La puissance de la superposition et de l’intrication

Comme son nom l’indique, un ordinateur quantique tire parti des lois de la mécanique quantique, une théorie qui décrit les phénomènes physiques à l’échelle atomique. Ces étonnantes lois autorisent une particule, un atome ou une molécule à se trouver dans différents états en même temps – on parle d’états superposés. Ainsi, alors que dans un ordinateur ordinaire, les informations sont codées sous la forme de bits qui ne peuvent prendre que deux valeurs, 0 ou 1, selon le passage au non de courant électrique à travers un transistor, les bits quantiques (ou qubits) peuvent simultanément prendre les valeurs 0 et 1. Qui plus est, lorsque deux qubits interagissent, leurs états physiques « s’enchevêtrent », si bien que les deux systèmes ne peuvent plus être décrits de façon indépendante – on parle d’états intriqués.

Grâce à ces deux phénomènes, la superposition et l’intrication, un ordinateur quantique peut en théorie avoir accès à la totalité des résultats possibles d’un calcul en une seule étape, là où un ordinateur classique doit traiter l’information de façon séquentielle, un résultat après l’autre. C’est ce parallélisme massif qui est au cœur de la puissance de l’ordinateur quantique.

La vitesse de calcul des algorithmes quantiques

Dès les années 1990, les chercheurs ont proposé des algorithmes pour de tels ordinateurs. Et démontré mathématiquement que mis en œuvre sur ces machines, ils réaliseraient effectivement certains calculs à une vitesse dépassant tout ce qu’on pourrait imaginer avec un ordinateur classique. Ainsi, en 1994, le mathématicien américain Peter Shor, du MIT, présente un algorithme avec lequel il serait possible de factoriser n’importe quel nombre, c’est-à-dire le décomposer en un produit de nombres premiers, en un temps record.

L’article complet : Ordinateur : les promesses de l’aube quantique
Publié le 15 avril 2019 par Julien Bourdet

Les articles ci-dessous :

 

Dans cette sections nous verrons les points suivants :

  • Les capteurs, l’autre révolution quantique
  • Les start-up françaises parées pour la transition quantique
  • Les promesses du contrôle quantique
  • Qu’est-ce que le hasard quantique ?
  • Donner du sens à la mécanique quantique
  • Puis les nouveaux articles ajoutés par les chercheurs…

 

Les capteurs, l’autre révolution quantique

Médecine, génie civil, télécommunications, gestion des ressources naturelles… Les capteurs quantiques, qui offrent à la fois une sensibilité et une précision uniques, s’apprêtent à révolutionner la détection dans de nombreux domaines.

Pouvoir repérer dans le sous-sol de nos villes chaque canalisation ou chaque cavité, prévoir une éruption volcanique, ou encore observer l’activité cérébrale dans ses moindres détails… Telles sont quelques-unes des alléchantes promesses offertes par des instruments d’un genre nouveau, dotés d’une sensibilité inédite : les capteurs quantiques. De toutes les technologies quantiques actuellement en développement, ils sont aujourd’hui parmi les plus aboutis. Certains d’entre eux commencent à sortir des laboratoires et même à être commercialisés !

Une sensibilité exceptionnelle

Comme leur nom l’indique, les capteurs quantiques utilisent les propriétés de la physique quantique, la théorie qui décrit les phénomènes à l’échelle atomique. Au cœur de ces dispositifs, on trouve des objets microscopiques (photons, atomes, électrons…) que les physiciens savent désormais manipuler parfaitement et placer à la demande dans tel ou tel état quantique. Or, ces états quantiques sont extrêmement sensibles à la moindre perturbation de l’environnement. C’est sur ce principe même que s’appuient les capteurs quantiques et qui explique leur exceptionnelle sensibilité à de minuscules signaux de différentes natures, que ce soit l’attraction gravitationnelle d’un objet situé sous nos pieds ou des champs magnétiques émis par notre cerveau.

Premiers capteurs quantiques à tirer leur épingle du jeu : les interféromètres à atomes. Dans ces dispositifs développés initialement pour la recherche fondamentale et la métrologie, on refroidit par laser un nuage d’atomes – composé de quelques millions de particules – à des températures très basses, environ un millionième de degré au-dessus du zéro absolu. « Dans ces conditions, les atomes se déplacent tellement lentement qu’il devient possible de mesurer avec une très grande précision les forces auxquelles ils sont soumis : une accélération ou une rotation », explique Arnaud Landragin, directeur du laboratoire Systèmes de référence temps-espace et lauréat de la médaille de l’innovation 2020 du CNRS.

Avec ces instruments, on peut mesurer en particulier l’accélération de la pesanteur – on parle alors de gravimètre atomique. Pour cela, on laisse les atomes chuter sous l’effet de la gravité. Durant leur chute, les particules sont soumises à une série d’impulsions laser qui place chacune d’entre elles dans une superposition quantique – entre un état où elle n’a pas absorbé de photon laser et un autre où elle a reçu une vitesse en absorbant un photon – avant de faire interférer ces deux états. On observe alors un signal d’interférence qui trahit une différence de parcours entre les deux états, due à l’accélération de la pesanteur (g). Ce qui permet ainsi de remonter à la valeur de cette dernière. « La mesure est extrêmement précise : on parvient à détecter des fluctuations de g de l’ordre d’un pour un milliard, soit la variation de pesanteur quand on s’élève de trois millimètres par rapport à la surface de la Terre ! », note Philippe Bouyer, directeur du Laboratoire photonique, numérique, nanosciences.

Des gravimètres atomiques ultra-stables

Une telle précision ouvre la voie à de nombreuses applications, une mesure fine de la gravité fournissant en effet de précieuses informations sur la composition du sol. Une masse de granite, une nappe de pétrole ou un réservoir d’eau souterraine, par exemple, auront des densités différentes et contribueront à des valeurs de g légèrement différentes en surface. De quoi faciliter la prospection et la gestion des ressources naturelles. De même, en plaçant un tel gravimètre sur le flanc d’un volcan, les géophysiciens pourraient mieux comprendre son activité : si des poches de magma apparaissent ou disparaissent près de la surface, g sera modifié. Idem pour surveiller le mouvement des plaques tectoniques dans des zones d’activité sismique.

Rapidement, les chercheurs comprennent tout le potentiel de leur dispositif et travaillent d’arrache-pied pour le faire sortir des laboratoires. C’est le cas d’Arnaud Landragin et Philippe Bouyer qui, après avoir mis au point une technique d’optique pour simplifier le fonctionnement de leur gravimètre, décident de créer la société Muquans en 2011. Aujourd’hui, l’entreprise française est la seule au monde à commercialiser ce genre de senseurs. Elle en a vendu une dizaine d’exemplaires, essentiellement à des instituts de recherche en géophysique. Un de ses gravimètres a même été installé cet été au sommet de l’Etna, dans le cadre du projet européen Newton-g, pour suivre les déplacements de magma, avec l’objectif de relier ces derniers à l’activité du volcan et peut-être de prévoir un jour ses éruptions.

Des appareils de plus en plus compacts

L’instrument de Muquans, qui consiste en un cylindre de 70 cm de haut et un second module un peu plus grand pour l’électronique et les lasers, est relativement compact. En termes de taille, seul un autre type de gravimètre, constitué d’une masse suspendue au bout d’un ressort, fait mieux. Facilement transportable, c’est ce dispositif qui est aujourd’hui le plus utilisé sur le terrain. « Le problème, c’est qu’il fournit une mesure qui dérive dans le temps, si bien qu’il faut revenir le calibrer régulièrement. Au contraire, le gravimètre atomique donne une mesure absolue qui reste stable dans le temps, puisque son fonctionnement s’appuie sur les lois de la physique quantique », avance Arnaud Landragin.

Les start-up françaises parées pour la transition quantique

Entre la conception de nouvelles machines et la découverte d’applications inédites, la concrétisation des ordinateurs quantiques provoque une véritable effervescence dans la recherche internationale. Plusieurs start-up, issues de laboratoires CNRS, se positionnent pour participer à cette révolution.

La situation

Encore non envisageables il y a quelques années, les ordinateurs quantiques sont en train de devenir une réalité. L’an dernier, Google a par exemple annoncé avoir atteint l’avantage quantique, ce qui signifie que leur ordinateur a atteint pour un problème spécifique (la certification de nombres aléatoires) une puissance qui surclasse même les supercalculateurs actuels les plus performants. Le secteur des technologies quantiques s’est alors lancé dans une énorme compétition internationale, car les pays n’ayant pas accès à ces technologies se retrouveront en position de faiblesse, y compris dans des domaines aussi critiques que la cybersécurité ou la défense. Tandis que les ordinateurs quantiques en fonctionnement restent encore rares, de nombreuses sociétés se sont placées sur le créneau afin d’anticiper ce fascinant développement, dont des start-up issues de laboratoires du CNRS.

L’une des principales questions est de savoir comment produire et exploiter des qubits en grande quantité. Un qubit, pendant quantique du bit classique, représente l’unité logique de stockage et de calcul quantique. Les quantités exploitables de ces entités sont donc directement liées aux puissances des ordinateurs quantiques. Les machines les plus médiatiques tournent actuellement avec environ une cinquantaine de qubits, un chiffre qui peut paraître faible, mais chaque point supplémentaire double la puissance de calcul.

Toujours plus de qubits

Pour en obtenir davantage, la start-up Pasqal, issue du Laboratoire Charles Fabry, s’est spécialisée dans l’agencement de processeurs quantiques basés sur des atomes refroidis par laser. « Les technologies utilisées par Google et IBM, à base de supraconducteurs, sont les plus prometteuses à court terme, mais n’arrivent pas à passer à de plus grandes échelles, explique Georges-Olivier Reymond, PDG de Pasqal. Les solutions centrées sur les photons ou le silicium permettront d’augmenter le nombre de qubits, mais cela pourrait prendre des dizaines d’années. Pasqal répond à ces défis en contrôlant des atomes refroidis par laser et piégés dans des matrices de pinces optiques. En France, nous avons un savoir-faire industriel et académique impressionnant sur ces questions, avec par exemple les prix Nobel de Claude Cohen-Tannoudji et Serge Haroche.  »

Les cofondateurs de Pasqal, chercheurs au CNRS, ont ainsi atteint quarante-neuf qubits en 2018, plus de cent aujourd’hui et visent le millier d’ici peu. Par comparaison, la machine de Google possède soixante-douze qubits.

 

De son côté, Quandela parie sur les qubits photoniques. Cette approche, prometteuse en termes de nombre de qubits potentiellement produits, permet pour l’instant l’exploitation simultanée d’une dizaine d’entre eux. L’encodage de l’information quantique se fait à température ambiante, tandis que les photons sont générés à partir d’une source opérant entre 5 et 10 Kelvins seulement. Cette température semble extrêmement froide à notre échelle, mais elle l’est mille fois moins que les solutions de Google ou IBM ! La consommation énergétique est également fortement réduite. « Nous avons l’avantage de bénéficier des technologies photoniques, très développées grâce aux applications numériques comme la fibre optique, souligne Valérian Giesz, PDG de Quandela. Nous réutilisons ce savoir-faire et ces technologies, et la plupart des composants dont nous avons besoin sont déjà disponibles. »

L’article complet : Les start-up françaises parées pour la transition quantique

Voir aussi nos dossiers sur les start-up françaises :

Les promesses du contrôle quantique

Contrôler les réactions chimiques par laser, manipuler les bits d’un ordinateur quantique, améliorer les images des IRM… Voilà ce que promet le contrôle quantique, une discipline en plein boom qui s’apprête à révolutionner notre quotidien.

Laser, microprocesseur, GPS, imagerie par résonance magnétique… Aujourd’hui, sans qu’on s’en rende compte, de nombreuses techniques utiles dans la vie de tous les jours n’auraient pas pu voir le jour sans la mécanique quantique, une théorie inventée dans les années 1920 qui décrit les phénomènes physiques à l’échelle des atomes. « Mais aussi importantes soient-elles, ces applications s’appuient seulement sur une compréhension passive des lois quantiques, note Dominique Sugny, du Laboratoire interdisciplinaire Carnot de Bourgogne, à Dijon, et de l’Institute for Advanced Study de Munich, en Allemagne. Désormais, les chercheurs veulent aller plus loin, en contrôlant activement les objets à cette échelle. » Discipline en plein développement, le contrôle quantique, qui vise à manipuler des atomes, des photons ou autres électrons afin de leur faire réaliser des tâches bien déterminées, pourrait, dans les années qui viennent, révolutionner plus encore notre quotidien.

Une méthode inspirée par l’aéronautique

Le contrôle quantique a fait ses balbutiements dans les années 1980. Les physiciens et les chimistes rêvaient alors de pouvoir contrôler les réactions chimiques par laser. L’idée étant que, lorsque l’on éclaire une molécule avec un laser, celui-ci y dépose de l’énergie, ce qui met en mouvement les noyaux atomiques et les électrons, impliqués dans les liaisons chimiques. Si la fréquence du rayonnement correspond exactement à celle à laquelle vibrent les liaisons chimiques, on peut alors « exciter » des liaisons qui se retrouvent fragilisées et se cassent plus facilement. Certaines réactions, plutôt que d’autres, se voient ainsi favorisées.

Les premières expériences ne tardent pas à se mettre en place. Mais rapidement, on s’aperçoit que l’exercice est beaucoup plus compliqué que prévu. Car, en pratique, l’énergie déposée sur une liaison se répartit vite sur l’ensemble de la molécule. Au point que l’on ne maîtrise plus grand-chose. « Les premiers essais de contrôle par laser relevaient plutôt de méthodes empiriques reposant sur des arguments qualitatifs, confie Dominique Sugny. Restait encore à mettre au point une stratégie de contrôle efficace. »

Pour y parvenir, les physiciens et les chimistes s’inspirent alors d’une théorie développée trente ans plus tôt pour décrire les objets macroscopiques du monde classique : la théorie du contrôle optimal. Celle-ci consiste à rechercher une solution sous la forme mathématique d’un problème d’optimisation qu’on peut résoudre numériquement. C’est ce principe qui a été utilisé, par exemple, dans les années 1960 en aéronautique militaire pour optimiser les trajectoires de montée en altitude des avions de chasse, où il a permis de diviser par deux les temps de montée avec des trajectoires contraires à l’intuition. Ou encore au cours du programme lunaire américain Apollo pour trouver les trajectoires minimisant le plus possible la consommation de carburant pour atteindre notre satellite naturel.

Maîtriser l’étrangeté quantique

Le contrôle quantique n’est donc pas qu’une histoire de physiciens et de chimistes. Ces derniers doivent s’entourer également de mathématiciens pour concevoir des algorithmes de calcul performants. Mais transposer les idées du contrôle optimal du monde classique au monde quantique s’est révélé une tâche ardue. « Il aura fallu attendre les années 2000, et le développement de moyens de calculs suffisamment puissants, pour atteindre cet objectif », souligne Dominique Sugny, membre du projet européen Quaint, qui met en réseau 17 laboratoires du Vieux Continent travaillant sur le contrôle quantique.

L’article complet : Les promesses du contrôle quantique

Qu’est-ce que le hasard quantique ?

Le hasard « classique » est d’une tout autre nature que celui qui se manifeste à l’échelle quantique, nous explique la spécialiste Alexia Auffèves. Derrière ces recherches, la promesse d’applications susceptibles de révolutionner les technologies de l’information.

Introduction

Le hasard en physique classique surgit lorsque le résultat d’une expérience ne peut être prédit avec certitude : sur quelle face tombera le dé ? Quel temps fera-t-il à Paris l’année prochaine ? Le hasard rend compte de façon effective du fait que nous ne disposons pas de toute l’information sur une situation physique complexe. Il nous permet de conserver une capacité prédictive, portant sur des statistiques (ainsi, ce dé a une chance sur six de tomber sur le « 1 »).

Le hasard apparaît aussi dans une autre branche célèbre de la physique : la mécanique quantique, qui vise à étudier à l’aide d’appareils de mesure macroscopiques des objets invisibles à l’œil nu. Du fait de leur petite taille, ces objets se trouvent dans des états extrêmement fragiles, qui sont violemment perturbés par l’appareil de mesure. On peut le comprendre, en réalisant que pour mesurer la position de cette table, je me sers de la lumière qu’elle renvoie. Or la lumière est constituée de grains, les photons. Imaginons maintenant que la table devienne microscopique : dans ce cas, le choc avec un seul photon va communiquer une vitesse à la micro-table, perturbant de façon aléatoire sa position et la rendant imprédictible.

De cet exemple idéalisé, on comprend que le hasard qui se manifeste à l’échelle quantique est d’une tout autre nature que le hasard classique. Aucune information supplémentaire ne peut l’éliminer, car il vient de l’opération de mesure même. On peut parler de hasard ontologique (fondamental, essentiel), par opposition au hasard classique, qui est épistémique (dû à l’ignorance).

Interférences et superpositions quantiques

Le hasard quantique est régi par des lois spécifiques très différentes de celles qui gouvernent le hasard classique. Rappelons dans un premier temps comment on traite le hasard classique, et prenons l’exemple d’une balle se trouvant dans une boîte fermée. Cette balle a 50 % de chances d’être noire (respectivement blanche). Elle a aussi 50 % de chances d’être en bois (resp. en métal). Lorsque je sors la balle de la boîte, j’ai au total 25 % de chances que la balle soit noire, et en métal.

Considérons maintenant un exemple issu du monde quantique, à savoir un photon unique polarisé. Comme évoqué ci-dessus, un photon est un grain de lumière, caractérisé non seulement par une couleur, mais aussi par une « direction de polarisation ». Cette direction de polarisation est représentée par une flèche, qui peut être horizontale H (resp. verticale V), ou bien diagonale D (resp. antidiagonale A). H, V, A, D sont ainsi des états quantiques possibles pour notre objet microscopique photon.

Si je mesure maintenant le photon, je constate qu’un photon A a 50 % d’être H ou V, tandis qu’un photon H a 50 % de chances d’être A ou D. En suivant le raisonnement classique, je trouve qu’un photon A a 50 % de chances… d’être mesuré dans l’état A ! Or un photon A a bien 100 % de chances d’être A (et 0 % d’être D). Ce phénomène est appelé interférence quantique. Il est dû au fait qu’un photon H n’est pas « soit A soit D », mais bien simultanément « A et D », en d’autres termes, dans une superposition quantique de A et D.

Technologies quantiques

Le phénomène de superposition quantique est particulièrement intéressant pour réaliser des processeurs quantiques. Un ordinateur effectue des calculs en traitant des bits d’information, un bit d’information étant une unité d’information ultime, codée sur 0 ou 1. Dans un ordinateur classique, les bits sont soit dans l’état 0, soit dans l’état 1. Dans un ordinateur quantique, l’information peut être encodée sur des « bits quantiques », pouvant eux-mêmes se trouver dans des états de superpositions « 0 et 1 ». Ces superpositions permettent en particulier d’effectuer des calculs plus efficaces (requérant moins d’étapes) que dans le monde classique.

Le hasard quantique permet également de rendre plus sûre la communication de données secrètes. Comme mentionné ci-dessus, la mesure perturbe l’état des systèmes quantiques, ce qui rend détectable la présence d’espions et constitue la base de la cryptographie quantique.

Ces promesses technologiques sont au cœur de la « deuxième révolution quantique », qui exploite les caractéristiques les plus contre-intuitives de la mécanique quantique telles que les superpositions et le hasard quantiques pour révolutionner les technologies de l’information. La deuxième révolution quantique fait actuellement l’objet d’importants investissements, tant de la part des États que d’entreprises majeures.

Article source : Qu’est-ce que le hasard quantique?

Donner du sens à la mécanique quantique

Bien que ses étranges prédictions aient toujours été vérifiées, la mécanique quantique, ou plutôt son interprétation, continue de troubler physiciens et philosophes. Les chercheurs Alexia Auffèves et Philippe Grangier proposent de nouvelles réponses sur la nature de la réalité physique dans le cadre de la théorie quantique.

Qu’est-ce que la mécanique quantique a de si spécial pour que les physiciens aient encore besoin de s’interroger sur ses fondements près d’un siècle après sa naissance ?

P. G. : La mécanique quantique propose une description du monde très différente de celle de la physique dite classique. Le propre de la physique classique est d’isoler, au moins par la pensée, l’objet qu’on veut étudier, par exemple la Terre, une bille ou une particule, puis de mesurer ses propriétés. Pour cela, on pose des questions à l’objet sur sa masse, sa vitesse, son énergie… Autant de questions qu’on veut. Il faut bien sûr des appareils pour mesurer ces grandeurs. Mais, une fois leur valeur connue, on peut faire abstraction de l’appareil de mesure et considérer que ces grandeurs appartiennent en propre à l’objet. Elles constituent en quelque sorte sa carte d’identité, ce qu’on appelle en physique « l’état » du système. En mécanique quantique, il est notoire que cette vision des choses ne marche plus. Tous les physiciens sont d’accord sur cela. Mais en quel sens peut-on dire que cela ne marche plus ? C’est là que les avis divergent.

A. A. : Le côté « bizarre » de la mécanique quantique vient du fait que les résultats de mesure peuvent être aléatoires même si le système se trouve dans un état bien défini. Par exemple, un photon polarisé à 45° a une probabilité de 50 % de traverser un polariseur orienté verticalement (lire l’encadré ci-dessous). L’autre grande différence avec la physique classique est que l’ordre dans lequel est effectuée la mesure est déterminant en mécanique quantique. Classiquement, si je mesure la masse d’une table, puis sa couleur, j’obtiens les mêmes résultats que si j’observe d’abord sa couleur, puis sa masse. Ce n’est pas toujours vrai en physique quantique. Nos intuitions et nos habitudes sont mises à mal car, dans la vie de tous les jours, nos certitudes viennent du fait que nous obtenons toujours la même réponse à la même question. On explique cette répétabilité par une cause permanente qui est l’existence d’un état, appartenant au système tout seul, qui existe même si personne ne le regarde. Par exemple : la table est noire. En physique quantique, le système est toujours interfacé à un contexte expérimental dont on ne peut pas faire abstraction. Le système ne se livre jamais tout seul. Comment accéder alors à son état ?

Sur ce point, on entend souvent dire que c’est l’appareil de mesure qui perturbe le système…

A. A. : Oui. Quand j’ai commencé à apprendre la mécanique quantique, on m’a beaucoup parlé de l’expérience de pensée du microscope de Heisenberg. Lorsque j’observe un petit système, je dois l’éclairer avec de la lumière, autrement dit le bombarder de photons. Et donc si je connais sa position, je ne peux plus connaître sa vitesse car elle a été perturbée par les chocs avec les photons. Je n’arrive donc jamais à « attraper » l’état complet du système et c’est pour ça que la mécanique quantique est probabiliste. Mais je trouve cette explication frustrante, car elle fait de l’aléatoire une sorte de barrière qui apparaît sans que l’on sache pourquoi4 et surtout elle nous contraint à travailler avec des concepts (l’état du système) qui ne sont pas accessibles de façon simple.

Quels sont les principes de base de votre nouvelle interprétation ?

P. G. : D’abord, nous avons une sorte de « postulat zéro » qui est le réalisme : la physique décrit un univers qui existe indépendamment de l’observateur et qui obéit à des règles intelligibles et universelles. La science est une œuvre humaine, mais ce n’est pas l’observateur qui crée la réalité.

A. A. : Ce qui constitue la réalité, ce sont des grandeurs physiques que l’on peut prédire de façon certaine, c’est-à-dire qu’on peut mesurer de manière sûre et répétable en retrouvant toujours le même résultat si on refait l’expérience. En physique classique, cela va de soi, car les propriétés que l’on mesure sont attribuées directement au système, le système étant simplement l’objet qu’on étudie : une particule, un ensemble de particules, etc. En physique quantique, le point fondamental que nous soulignons est qu’on ne peut pas oublier le contexte de la mesure, c’est-à-dire l’appareillage extérieur à l’observateur qui permet d’obtenir ces propriétés. Par exemple : quelle orientation du polariseur utiliser, ou quelle direction de champ magnétique appliquer, ou de quel détecteur se servir. Et en physique quantique, il y a bien aussi des résultats certains et répétables, mais à condition de considérer à la fois le système et son contexte. Prenons par exemple un photon comme système et un polariseur vertical comme contexte. Pour nous, le photon tout seul n’a pas de polarisation (lire l’encadré ci-contre). Mais l’ensemble photon et polariseur a une polarisation. Si je vous donne mon photon et que vous le faites passer par un polariseur vertical, vous trouverez le même résultat que moi. Cet état quantique, que nous appelons « modalité », appartient à la fois au système et au contexte. C’est notre premier postulat.

La suite de cet entretien : Donner du sens à la mécanique quantique

Au cœur de la nouvelle révolution quantique

Sur la page Au cœur de la nouvelle révolution quantique vous trouverez les articles suivants :

  • Alain Aspect, prix Nobel de physique 2022
    Découvrez le parcours et les recherches du physicien français, récompensé aujourd’hui pour ses travaux pionniers sur l’intrication quantique, avec ces articles réalisés à l’occasion de sa médaille d’…
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Des capteurs quantiques pour se repérer sans GPS

Comment faire naviguer les avions de lignes, ou sécuriser des véhicules militaires, sans GPS ni signaux satellites ?

C’est une problématique à laquelle répondent les capteurs inertiels quantiques. Basés sur une technologie quantique, ils peuvent effectuer des mesures ultrasensibles de l’accélération dans les trois dimensions quelle que soit leur orientation. Cependant, un capteur inertiel idéal pour la navigation doit fournir des signaux en continu à haute cadence, tout en conservant sa précision et sa sensibilité sur de longues périodes. Si les capteurs inertiels classiques répondent au premier critère, ils dérivent néanmoins dans le temps. De leurs côtés, les capteurs quantiques sont extrêmement précis et sensibles, mais présentent notamment des temps morts lors des mesures. En combinant pour la première fois ces deux technologies, une équipe de recherche1 dirigée par un chercheur du CNRS a développé le premier capteur inertiel quantique hybride et multidimensionnel. Dans l’article paru dans Science Advances, elle montre que celui-ci fournit un signal continu à la cadence du capteur classique, et avec une précision 50 fois meilleure. Le tout grâce à une calibration in situ et en temps réel fournie par la mesure quantique. Un tel instrument permet de suivre et de mesurer en continu l’accélération en 3 dimensions, pour n’importe quelle orientation du capteur. Ces propriétés pourraient révéler tout leur potentiel dans des applications embarquées, sur des avions par exemple, notamment pour la navigation sans système de positionnement par satellites GNSS.

L’article complet : Des capteurs quantiques pour se repérer sans GPS

Quelques article du CNRS

  • Vers une cryptographie post-quantique
    La révolution de l’informatique quantique rendra de nombreux concepts et appareils obsolètes, engendrant certains problèmes de sécurité. Pour établir de nouveaux principes cryptographiques, l’institut des standards technologiques des États-Unis organise ainsi un concours international. Décryptage des enjeux avec la chercheuse Adeline Roux-Langlois
  • Une informatique à réinventer pour le calcul quantique
    Pour révolutionner le calcul, ainsi que le laisse espérer l’arrivée des tout premiers ordinateurs quantiques, les chercheurs doivent résoudre d’excitants défis, comme écrire une nouvelle informatique ou limiter les nombreuses erreurs encore commises par ces machines surpuissantes.
    Par Martin Koppe le 4 mars 2021
  • D’autres à venir…