Entamons les seconde partie de l’IA en France

L’IA en renfort du programme nucléaire français

EPR2, mini-réacteur modulaire SMR, Iter… La filière nucléaire française se relance, encouragée par le Plan France 2030

Ce plan comprend la construction de huit EPR2, en plus des six déjà annoncés

Si jusqu’à présent la technologie était peu développée dans ces projets pour des raisons de sécurité, le secteur a besoin de plus en plus de données pour produire en temps et en heure. « Le secteur est en effervescence, il y a beaucoup d’initiatives faisant intervenir de nouvelles technologies car il y a besoin de savoir comment les équipements vont vieillir », constate Laurent Arduin, strategic account manager chez l’éditeur de logiciel de simulation numérique et de conception 3D Ansys, qui a accompagné l’américain NuScale Power dans le développement d’un petit réacteur modulaire. L’IA et les jumeaux numériques ont ainsi une carte à jouer.

L’un des premiers usages où les technologies se développent le plus facilement concerne la supply chain. « La chaîne d’approvisionnement nucléaire est très complexe à gérer, il y a des milliers de fournisseurs à l’échelle mondiale. L’automatiser représente un moyen d’optimiser les opérations et de gagner en réactivité », indique Vincent Coent, CEO de la société d’ingénierie ABMI. C’est dans ce cadre que cette dernière et le spécialiste en IA et mathématiques décisionnelles Eurodecision se sont associés. Ensemble, ils proposent une solution logicielle d’optimisation de la supply chain par IA. Un algorithme permet par exemple de commander de manière logicielle une pièce en fonction de l’état du stock et des travaux à venir. La solution est capable de gérer plus de 10 000 références auprès de centaines de fournisseurs.

Éviter les erreurs humaines de commande

Les deux partenaires, qui collaborent déjà depuis plus d’un an dans le secteur aéronautique, mettent en garde contre l’écueil principal : « Une solution comme l’IA ne peut fonctionner que si l’on comprend très bien les besoins métier », affirme Ronan Bars, directeur général d’Eurodecision, qui préconise l’instauration de règles précises à partir de l’expertise métier. Pour lui, c’est l’exhaustivité des règles régissant l’intelligence artificielle qui est un gage de sécurité. D’autant que la traçabilité des opérations est au cœur de la stratégie industrielle nucléaire.

Les bénéfices de l’intelligence artificielle selon les deux partenaires sont triples : déjà, elle évite les erreurs humaines dans les commandes de matériel. « Si une personne réclame trop de pièces à un fournisseur en raison d’une erreur de zéro dans la commande, c’est difficile de le voir à l’œil nu. L’IA y parvient aisément et fait figure d’outil d’aide à la décision fiable et auditable », illustre Ronan Bars. Deuxième avantage, l’IA permet d’optimiser le stock, qui coûte très cher dans le secteur nucléaire. « Ne pas avoir de l’argent immobilisé pour rien est une attente forte de tous les clients depuis la crise du Covid », poursuit le CEO d’ABMI. Enfin, elle renforce la collaboration entre des métiers et des prestataires, apportant plus de valeur au quotidien », énumère Mickaël Buhé, directeur technique nucléaire chez ABMI.

Le prochain grand chantier pour l’IA, dans le secteur, porte sur le suivi via un jumeau numérique de la construction de nouvelles centrales

« Construire un réacteur deux fois plus rapidement qu’avant nécessite de changer d’approche. La simulation est une grosse tendance qui arrive et qui va avoir un réel impact », garantit François Weiler, PDG d’Altair France. Un avis partagé par l’éditeur Ansys : « Anticiper la maintenance et prédire les risques de défaillance sont un grand enjeu avec l’IA », affirme Antoine Toullec, senior application engineer chez Ansys. L’entreprise prend part, avec EDF, Atos et Assystem, à un projet de recherche, appelé ConnexITy, qui consiste à réaliser le jumeau numérique d’un alternateur. De son côté, Schneider Electric travaille dans sa branche nucléaire avec Aveva pour dupliquer une centrale en 3D afin de gérer le comportement de cet actif industriel de bout en bout. Avec les jumeaux numériques, le cycle de vie des centrales n’en est qu’à ses débuts.