« L’avenir des calculateurs quantiques est entre les mains des startups » selon le physicien Alain Aspect
La situation
Après l’annonce le 21 janvier dernier par le Président de la République d’un « plan quantique » de 1,8 milliards d’euros, voici l’occasion d’imaginer à quoi pourrait ressembler cette révolution annoncée, et la façon dont les startups pourront y prendre part. Alain Aspect a d’abord rappelé qu’il y avait eu déjà plusieurs révolutions quantiques, la première étant naturellement la découverte des propriétés quantiques de la matière, au début du 20e siècle, avec les travaux de Max Planck dès 1900 et d’Albert Einstein en 1905. Pour mesurer son importance, le chercheur a rappelé « qu’elle avait tout simplement permis d’expliquer la stabilité de la matière. Selon les concepts du 19e siècle, elle aurait dû s’effondrer sur elle-même. La physique quantique a permis de comprendre pourquoi ce n’est pas le cas« . Mais si la physique quantique se trouve désormais à l’aube d’une nouvelle révolution, celle des applications, c’est grâce à la découverte dans les années 1930 d’une propriété fondamentale, l’intrication. Des systèmes quantiques intriqués ne peuvent plus se considérer individuellement. Quelque soit la distance qui les sépare, leurs états quantiques restent liés comme s’ils formaient un tout. L’autre progrès majeur consiste en la capacité désormais de manipuler les objets quantiques individuellement. Ainsi couplées, ces deux avancées permettent d’envisager plusieurs applications comme la communication quantique et la cryptographie, le calcul quantique et la métrologie.
Anticiper l’arrivée du quantique
Concernant le calcul, Alain Aspect souligne que « personne ne sait si l’ordinateur quantique idéal fonctionnera un jour. Par contre, il y a une percée formidable avec les simulateurs quantiques non idéaux (NISQ), qui permettent de faire des opérations quantiques, bien que les systèmes soient imparfaits. » Sur le thème de l’ordinateur quantique, Pierre Barnabé renchérit « il y aura sans doute plusieurs types de machines, car le quantique ne résout pas tout. Les ordinateurs actuels, binaires, probabilistes, resteront plus efficaces que les ordinateurs quantiques sur certains algorithmes, tandis que d’autres nécessiteront l’accélération quantique. Nous allons sans doute vers une hybridation. Mais dans tous les cas, la stratégie d’Atos consiste à anticiper l’arrivée du quantique en créant un environnement adéquate, au niveau des langages, des algorithmes, qui permettra lorsque les machines seront disponibles, de les faire fonctionner. ».
Explorer toutes les pistes
Pour cela, l’entreprise a mis au point un langage, Atos Software Assembly Language, qui permet de coder des algorithmes quantiques, de les traiter par une machine classique, et d’obtenir un calcul quantique. « Les résultats obtenus par nos simulations sont très proches de ceux calculés avec des machines quantiques en laboratoire« , affirme Pierre Barnabé. Atos a mis en ligne sa Quantum learning machine. « Ainsi, tout le monde peut y accéder, faire ses algorithmes, ses calculs. Notre objectif est de former les étudiants, et d’entraîner les ingénieurs et les chercheurs à la technologie quantique ». En créant cet environnement, Atos espère aussi attirer des start-ups désirant prendre part à cette révolution, qui, selon Alain Aspect, ne se fera pas sans elles. « La mise au point des machines quantiques nécessite un écosystème où des petites startups, agiles, explorent des voies diverses, car aujourd’hui, personne ne sait quelle technologie quantique s’imposera. Nous sommes encore à l’époque où il faut envisager toutes les pistes.«
Article source : L’avenir des calculateurs quantiques est entre les mains des startups
Publié sur Sciences et Avenir par Fabrice Nicot le 24 mars 2021