1. Avec l’informatique quantique, l’IA deviendra encore plus intelligente
Oui et non. L’ordinateur quantique (quand il sera vraiment au point) ne va pas donner une conscience aux intelligences artificielles. Cependant, il va nous faire progresser sur le sujet. Le quantum machine learning est un domaine de recherche très actif . pour autant, il ne va pas remplacer les techniques que nous connaissons, il faut plutôt le voir comme une accélération des traitements.
2. Avec le quantique, on pourra hacker n’importe quel système de sécurité
En théorie oui, mais les experts sont sur le coup. Cette idée fait référence à l’algorithme de Shor. Les systèmes de chiffrement à clés de nombres primaires utilisés aujourd’hui s’appuient beaucoup sur la factorisation. Or, l’algorithme mis au point par l’Américain Peter Shor permet de factoriser des grands nombres en un temps record. Le quantique peut donc casser les systèmes de chiffrement actuels. Enfin, les modèles d’ordinateurs quantiques du futur…
3. Demain, nous aurons tous un ordinateur quantique sur notre bureau
On va sûrement vous décevoir, mais c’est très peu probable. Aujourd’hui, on envisage plutôt le quantique comme un service (quantum as a service). Les ordinateurs quantiques seront physiquement dans les laboratoires d’entreprises spécialisées dans le hardware quantique et seront accessibles par internet. Un peu comme le cloud finalement d’où le cloud quantique.
Surtout, ces (grosses) machines devraient ressembler à un réfrigérateur ; certaines plateformes actuelles fonctionnent à des températures très basses, proches du zéro absolu, soit – 273,15 C. On a donc besoin de refroidir les composants dans un réfrigérateur à dilution d’environ 1 mètre de diamètre et 2 mètres de hauteur. Pas facile à caser sur un bureau..
Et si l’ordinateur quantique n’a pas un look de réfrigérateur, il prendra peut-être la forme d’une chambre à vide hébergeant des ions piégés par des champs magnétiques. Ou il ressemblera à un banc optique, équipé de miroirs et de polariseurs pour traiter des ions photoniques.
4. Le quantique c’est de la recherche pure, ça n’a pas d’applications concrètes
Et si ! Des prototypes existent déjà et des entreprises les utilisent pour monter des projets d’inspiration quantique pour rechercher de nouveaux matériaux ou optimiser des problèmes complexes, comme de la gestion financière ou de la gestion de flux routiers.
5. La physique quantique concerne l’échelle microscopique
Cela est vrai, mais suggère à tort qu’elle ne s’applique pas aux échelles plus grandes. En réalité, elle s’applique à toutes les échelles. Bien sûr, on n’observe pas vraiment d’effets purement quantiques à notre échelle à cause de la décohérence (la cohérence décroît exponentiellement avec le nombre de particules).
Mais c’est en train de changer avec la recherche en nanotechnologie et en information quantique, domaines dans lesquels on voudrait réussir à préserver les cohérences sur des échelles un peu plus grandes (de temps, de température, d’espace, etc.). Donc la prochaine fois que vous entendez un type prononcer «à l’échelle quantique», vous saurez que c’est quelqu’un qui aime parler pour ne pas dire grand-chose.
6. La physique quantique excède la compréhension et la logique humaine
C’est le genre de phrase bien vide que pas mal de fumistes aiment proclamer, ça donne l’impression à la fois d’être cultivé (je sais que je ne sais rien…) et d’être humble. Et on doit cela en partie au prix Nobel de physique Richard Feynman qui affirmait lui-même un truc du genre: «Quiconque croit comprendre la mécanique quantique n’a en fait rien compris à la mécanique quantique.»
Je puis vous dire que, depuis Feynman, la physique quantique a bien avancé, surtout dans sa forme et son expression mathématique. Je vous assure que les experts d’aujourd’hui la comprennent très bien, même s’ils ne savent pas toujours comment l’interpréter. (L’interprétation repose souvent sur notre intuition, qui est mise en défaut dans le cas quantique.)
Dans tous les cas, la physique quantique est une création humaine, qui certes excède souvent de manière spectaculaire notre intuition, fondée sur l’expérience étroite d’un monde mésoscopique, mais qui en aucun cas n’excède notre logique. Au contraire, il n’y a qu’avec notre logique (mathématique) qu’on arrive à la comprendre, et à la construire !
7. La mécanique quantique est réservée aux grands génies
Bon, ça c’est quelque chose qui est devenu assez courant. Dès qu’il y a quantique, c’est dur. Très dur. À tel point que seuls les génies peuvent espérer l’étudier. Mais en fait, non. Ce n’est pas plus dur que la mécanique classique avancée (je pense notamment aux problèmes sur la toupie, par exemple), c’est juste un peu moins intuitif, et ça demande pas mal de maths. Mais, vraiment, il suffit d’avoir les bases et d’y investir du temps.
8. La physique quantique, c’est du n’importe quoi, un pur délire complètement déconnecté de la réalité
En attendant, aucune théorie non quantique ne permet d’expliquer correctement le fonctionnement ou de rendre compte des lasers, des transistors, de la photosynthèse, des corrélations étranges lors de tests de Bell, etc. Et je ne parle pas que de mécanique quantique. Sans la théorie quantique des champs, on n’aurait aucune idée de ce qu’est le photon, et on ne saurait pas quoi faire du LHC, puis l’effet Casimir serait pour les plus pieux une manifestation élégante du fait que Dieu est omniprésent.
Pour ce qui est des tentatives d’établir une théorie de la gravité quantique, il est vrai que cela reste assez spéculatif. Mais pour le reste, je vous assure que la physique quantique, c’est aussi du concret!
9. En physique quantique, l’espace-temps est discret, et est constitué de petits pixels de la taille de la longueur de Planck
Non. En physique quantique, l’espace et le temps sont continus. Sinon on ne pourrait pas utiliser nos équations aux dérivées partielles et appliquer nos approches analytiques. La base propre de l’observable position est une base continue. Il en va de même pour celle des impulsions. En revanche, on ne peut pas trop se fier aux prédictions de la physique quantique à l’échelle de Planck. On peut toujours faire nos calculs, mais on trouve des trucs très bizarres. Et pour éliminer ces bizarreries, il faut trouver une théorie quantique de la gravité qui tienne la route.
10. La physique quantique permet de se téléporter
Non, mais c’est bien dommage… Il existe un protocole de téléportation quantique mais il faut comprendre que ce qui est téléporté, c’est de l’information quantique. Ce n’est pas de la matière qui est détruite à un endroit pour être recréée à un autre.
11. La superposition des états prouve qu’il y a du libre arbitre
Vraiment super drôle. Premièrement, le hasard n’implique pas le libre arbitre (si tout est complètement aléatoire, vous ne pouvez plus agir sur rien, et donc vous n’êtes plus libre, il en faut juste assez). Ensuite, il y a aussi la question du chaos classique (et pas quantique) qui peut nuire au libre arbitre. Enfin, et surtout, notre cerveau ne fonctionne pas avec de l’information quantique. Comment voulez-vous préserver de la cohérence dans un milieu moite à une température de 300 Kelvins ? L’information quantique se détruit déjà très vite dans des tout petits systèmes pourtant ultra-froids. Faut arrêter…